Vendredi mon amour

Vendredi

ruinart_thumb4_thumb_thumbJe te retrouve chez toi. comme si le rendez-vous je l’avais attendu cette semaine, le lundi, le mardi. Je sais que ta présence il faut la savourer. Ces moments rares sont là, pour nous. J’ai envie, j’ai eu envie souvent de toi, de tes bras cette semaine. J’ai attendu ce moment, comme l’envie que tout ça me mène à toi.

“baiser” tu diras.

“baiser” je prendrai.

Champagne et Tapenade

Jeudi

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C’est l’heure de l’happy-hour, champagne et tapenade. Avec toi, qui t’endors maintenant au rythme du soleil. Pourtant ce soir, on s’en dira encore nos bêtises… On se dit que ce n’est pas grave, qu’il faut profiter. que la vie c’est ça. Je te raconte mes histoires de la veille. de l’avant veille. Tu me regardes encore atterrée, avec ces yeux que je connais. Sans compassion ni compréhension. Sans jugement non plus, et c’est ce qui compte entre nous. Comment tu pourrais me comprendre ? Moi même je ne comprends rien.

mercredi mon amour

Mercredi.

clubpoulet_thumb3Boulevard Montmartre. 20:00 devant le O ’Sullivan. On se retrouvera, tu verras, ce sera bien.

Tu es beau là, dans la lumière du soir qui monte. Nos corps inconnus, nos yeux qui se découvrent, dans la distance des lieux publics. L’interdit de la situation rend la rue belle et la ville amie. Soir de match, quoi… une bière ? En me noyant dans tes petits yeux bleus, je garde mes gants, comme témoin d’une réserve, d’une façon de ne pas me donner à toi, pas tout de suite.

tu es celui que j’aurai pu aimer. celui qui m’aurai trompé  ?

J’ai envie que l’on vive quelque chose d’unique. une sorte de truc ou dans 10 ans, dans 20 ans, tu ne me tromperas pas. Comme d’habitude. je suis à côté. Tu as bâtis 17 ans. tu ne détruiras pas ça en un revers. non.

la vie compte plus que ça.

mardi mon amour.

Mardi.

ulysse1Il est déjà trop tard, ça fait déjà 7 ans. Ce rendez vous, je l’ai hésité, torturé, j’en ai eu l’intention, pas vraiment la volonté. je savais que dès que je te verrais… je ne saurais plus lutter. Tu m’as surprise au rayon bédé de la Fnac du forum des halles. On ne s’était pourtant rien dit. Calmement, tu es arrivé par derrière. mains sur mes fesses. Je ne t’ai pas senti arriver. Quelle jolie surprise. Puis on s’est engouffrés dans ce sous-sol sombre de Beaubourg. Une présentation étonnante pour un Maddin inattendu. On s’est collés, nos textiles ardemment froissés l’un contre l’autre, nos mains retrouvées amies comme toujours, comme si elles savaient qu’elles étaient faites l’une pour l’autre, nos corps se sont encore aimés, ont reconnu leurs odeurs, et la résistance de ces chairs connue comme un repère intemporel. Mardi c’était toi et je t’aimais.

Le temps de la soirée a défilé, fou… rapide. entre un poulet aux champignons, un “Bony King of nowhere”, la parenthèse en bulles déposée sur ton plan de bois, un verre de vin rouge. Le temps s’est accéléré. Puis il a fallu parler, de la chute dans les escaliers, du Machu Pichu. Faut il que l’on se dise au revoir, là, maintenant ? La vie ne veut donc rien nous offrir de plus ?

On fera ce que l’on voudra. Je veux plus, tu ne peux pas me donner ça. Qu’a-t-on comme autres solutions ? on a réfléchi. 5 minutes. On se donne du rabe. 5 minutes. ça fait des années qu’on y pense _moi du moins_. des années que l’on ne la trouve pas cette putain de solution. Je te dis que je fais devoir rechausser mes bottes, te dire adieu et partir si dans ces 5 minutes l’un ou l’autre ne trouvons pas un remède, un miracle au moins.

Pourquoi, comment, ça pourrait se décanter là, maintenant ?

Les 5 minutes s’écoulent… plus vite encore que tout ce temps que l’on a pu passer ensemble. les notes claires s’emparent de nos cerveaux, nous sommes l’un dans l’autre, l’un pour l’autre ce soir, on cherche, on cherche et rien ne vient. Tu proposes un voyage. Où je veux. Quand tu veux. Non, il va bien falloir se rendre. on n’a pas d’avenir et il est temps. on se parle et les larmes font mal, elles viennent de tellement loin, elles voulaient ne jamais avoir à sortir celles-ci… C’est la tête entière qui tape et qui brule. malgré toute la retenue, une perle roulée pendant ces nuits, ces années, chargées des sels et sucs de notre histoire, s’échappe et déroule… Sèchera-t-elle ?

“Salut beau gosse” “Salut ma belle”… Ultime et confortable contact, dans un dernier baiser on se quitte, comme ça. les yeux humides de n’avoir pas trouvé mieux que ça. de n’avoir pas trouvé de quoi emmener ça plus loin.

J’enfourche mon vélo et remonte vers le nord. j’inonde les rues sur mon passage, je remplis la douche en arrivant et je noie mon lit. Tout est trempé, mouillé de cet amour mort.

Au petit matin, les yeux sont lourds, corps épuisé.  Ma tête cogne encore… ce choix ? On ne sait jamais. Je ne saurais pas si le voyage eut été de mise, de t’avoir gardé près de moi encore quelques heures. quelques jours, quelques nuits. pouvoir t’aimer toujours. au bon rythme.

Jamais toi

Jeudi. Je rêve encore de toi.
La semaine à nous surveiller, à nous toiser. Je sais que tu es l’un de mes grands désirs. Tu parles mon langage, réagit à mes sens. Éveille mes convictions. La semaine se terminera dans cette salle pour une ambiance à facettes et à paillettes. Ta chemise en moins. Ta main sur ma cuisse, la mienne dans ton dos. Plus tard, au calme, l’inverse. Une discussion, un catalan. Je me cramponne à toi, t’implore de ne pas me laisser à cette conversation seule. L’espagnol abandonnera et c’est toi et moi, dans la pénombre de cette salle que l’on se jettera ce dernier regard, au fond l’un de l’autre. Rien ne sera plus comme avant et l’échange ne pourra certainement pas s’arrêter la. Devant le taxi, tu hésites, les yeux du désir et des envies. Et puis non, toujours la réalité qui nous rattrape. Ne l’oublie pas. Je ne la connais pas mais respecte ce foyer. Nous n’irons pas au bois ce soir.
Tu veux quoi ? Nous ne coucherons pas ensemble le sais tu ? « oui, et je ne veux pas ça… Autre chose, de plus romantique ». « Tu m’expliqueras un jour dis ? » on n’est plus du tout à l’aise. Tout est prêt à fondre, à bruler, à craquer.
Je m’engouffre dans mon taxi et te vois rapetisser derrière moi. J’ai envie de toi, de tes bras, de ton souffle, de tes mots et de ton rire.

Demain, vendredi. Un gout bizarre en bouche. Entre amertume, confiance, désirs et certitude des impossibilités. On se parlera, a distance, pendant 2h pour en conclure que l’on ne s’offrira même pas ce baiser d’adieu. Trop risqué. On essaiera de tenir, comme ça, avec nos envies enfouies. Elle finiront par s’endormir. Pourvu qu’elles ne prennent pas le pas sur nos vies, nos nuits, nos besoins.

T’es beau comme un camion.
Drôle comme dans mes rêves.
Doux comme la peau de l’amour.

On n’est pas l’un pour l’autre dans cette vie là.

En travers de la jambe

trace_de_ensis_directusTangible, incompressible, insensible,… _comme le temps qui nous emmène inlassablement vers l’avant_ la couture violace, noircit, s’agrandit, s’étend et s’impose comme une preuve de vie. Ici, c’est comme un joli trait de feutre maintenant. On a même les petits points autour, des confettis que l’on jette au vent comme les cendres d’un passé différent. Ici c’est une courbe résolument artistique ou contemporaine. Ailleurs, c’eut été le drame. La tête, le dos : ça se terminait dans une boite en bois, une urne en fonte, ou une chaise de fer à roulettes.

Le noir qui m’a absorbé ce soir là est venu bien loin.  Du loin d’une lourde vague qui fait se rejoindre sable sel et eau. qui laisse suffisamment de sable au fond des lacrymales pour monter un béton des plus solides.

Du loin d’une arme planté sur soi, lorsque grince la peur dans les dents des enfants juste là derrière… Lorsque claquent les rideaux sur les vitres sombre dans la campagne amazonienne.

Du loin d’un matelas posé sous les toits qui, seul, retient cette envie de voler au-dessus de Paris et me rappelle à ma condition d’animal sans ailes et sans nageoires.

Dans mes cauchemars je tombais… je tombais. Et puis soudain, je savais que je rêvais. La chute n’avait aucune importance,  ça devenait même doux, je pouvais faire durer la chute, comme suspendue dans la translation verticale. Jusqu’au réveil doux. dans mes chauds molletons d’hiver.

Ce soir là, le cauchemar ne devait pas se transformer en rêve, l’atterrissage eut été fatal. Je m’en serai voulue de n’avoir pas lutté jusqu’à la dernière marche. Projetée d’un mur, sur l’autre pour arriver en bas, sans trop de bris.

“La vida tombola – Manu chao”

Oran la radieuse

Alors qu’Oran la radieuse m’appelle et m’attend, les bulles d’un anniversaire me gagnent.
Ces 31 ans nous les fêtions tous les 4 avec une carafe, un concert, des senteurs de clémentines et un match de rugby.
Plus tard, dans la nuit. Aux bulles joyeuses et légères d’une mousse estivale s’est substitué en un sursaut une lourde et sournoise noirceur envahi ssant mon esprit et tout l’espace de ma vie. Tout devient grave, impossible. Le lendemain serait un miracle, l’évidence que rien ne sera plus jamais comme avant. Son image me revient. L’histoire de cet homme que je croyais connaître. L’un de ceux en qui j’aurais donné ma confiance sans hésiter. C’est lui ce même monstre, qui répand le mal, des horreurs, et pas que. C’est lui qui s’impose devant mes yeux sans relâche ce soir. Comment peut on se tromper ? Comment faire confiance après ça. Les pires hommes sont ils donc ceux que l’ont ne sait pas…
Et ce soir, de ce kaléidoscope infernal, j’essaie de décrocher, en vain. Ça gronde et ça monte. La confiance n’existera plus.
Épuisée de panique et de froid, craintive, en sueur et recroquevillée je m’endors, finalement, un peu de chimie sous la langue.
Je sais déjà que lorsque sonnera le réveil, je serai déjà en retard pour l’avion et il faudra que je fasse mon sac, appelle le taxi et cours.
Oran sera là. La place des armes, majestueuse m’accueille sous son doux soleil de janvier. Le nectar noir brule entre mes lèvres et me réchauffe le corps. La ville est vivante, organique, comme s’ils avaient tous une révélation à faire plus importante que le prochain. Mon ombre fait deux fois ma taille. C’est l’heure de prier. Pour un instant j’appartiens à ce monde vivant, partageant ce moment de recueillement.
Le jour sera long, la nuit aussi. Tant de couleurs à voir, de draps et foulards aux fenêtres, de paraboles en arc en ciels, de soleils le long des façades haussmanniennes. Je suis au pic de la gaussienne je crois.
Oran, tu me reverras.

On coule

grille-sousmarinSoudain, le bateau est projeté, par une vague plus grande que les autres, et que je n’avais pas vue, sur les bords du chenal. Le bateau frappe à droite. Une fois. le bateau frappe à gauche. Et l’embarcation me projette sous elle, contre une épave de portail.

Tous les bouts, voiles, caisses et ustensiles flottent entre deux eaux au milieu de ce champ de bataille.

Je ne peux pas remonter à la surface.

Je comprends à cet instant que je vais devoir passer sous ce portail.

Il ressemble à cette grande double porte de l’allée des bambins, près de la côte sauvage.

En tirant, en m’agitant, en perdant mon souffle et mon espoir, je me rends compte qu’à respirer cette eau, je me sens mieux, bien mieux.

Je suis une caulerpa taxifolia… je glisse sous le portail et je m’étends.

Playlist

La tête entre les mains, à ma table claire en formica ondulé. Je suis sous les toits. le zinc tiède de la chambre de bonne ? le roof écaillé et granuleux d’une coque de noix nommée Stella Maris ? C’est flou, c’est chaud, me retourner, tourner ma tête, regarder ailleurs que sur la surface lisse m’est impossible.

Le point rouge qui me démange au milieu du ventre est en fait le siège du cocon originel d’un joli petit ver. “Appelez moi le parasitologue !” ça y est je reconnais l’endroit. Je suis dans le département de virologie de mon hôpital populaire. Avicenne. La Courneuve.

“Leonard Cohen : Who by fire”

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Tout à l’heure j’étais assise sur le trottoir, pas très loin du port. Je ne sais plus si j’étais à Ilha Marajo ou Gran Roque, chez Dona Magali. Mais ils m’avaient attaché un ballon rouge en forme de cœur pour que je ne me perde pas. Ensuite, ils avaient porté mes sacs jusqu’à l’hôpital. Je ne pouvais plus rien porter. à peine moi. mon corps refusait. A mes pieds, nous avions trouvé un sac ouvrant la brèche, géante, profonde, fascinante sur ma folie toute entière.

C’est moi tout ça ? Je ne savais pas, je ne me souviens pas.

j’entends tout à coup un grand clac. Le ballon du skateur a été claqué par une voiture qui passait. Il traine une ficelle et son débris de caoutchouc. lève un bras, agacé et file.

Il fait froid dorénavant. la brise se lève dans les rues de cette ville portuaire.

“Matisyahu : Silence”

A l’hôpital, le dédale qui mène jusqu’au box qui me semble dédié me rappelle la pierre sale et malodorante des mûrs humides d’Essaouira-la-bleue. Un relent de Midnight Express.

Dans cet univers de couleurs, je reconnais la photo de Hunger.  Jaune, ocre, verdâtre, olive, noir… noir… Qu’est ce que je serai fière si j’étais à l’origine de ce film. la beauté du contraste me faisait oublier mon voyage immonde dans ce qu’est mon cauchemar.

Au fur et à mesure, dans les couleurs où j’avance, ceux que je croise ont parfois le visage en noir et blanc.

 

hunger

 

Allongée sur une raide banquette en toile. le tissu rêche et foncé pour seul contact. Je suis dans un espace-temps entre-deux. Rue saint-Maur ? rue de l’université ? dans l’entrée de cet appartement, je ne peux même pas me lever pour ouvrir la porte, répondre à l’interphone. mes muscles ne répondent pas. Mes yeux sont secs, rouges. ma tête cogne et soudain …

Je ne maitrise plus RIEN.

Je ne distingue plus le vrai du faux. la raison de la folie.

Je crois que c’est ma mère qui entre, me secoue comme un sac de plomb. Je ne peux rien faire. ça hurle. Toujours la même rengaine : “tu t’es encore droguée !… On va voir si tu ne peux vraiment pas bouger”. Elle pose l’oreiller sur ma tête, s’assied dessus. calmement.

J’étouffe… je ne peux rien faire. mon corps entier me fait mal. Bouger ne se peut. pas un son ne sort.

L’air me manque. Je meurs. tuée. A force de crier au loup.

“Moriarty : fireday”

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Derrière moi, devant la porte blanche qui réfléchit sa lueur sur la table en formica, un homme approche. “Je suis parasitologue. Ce qui vous arrive est audacieux mais normal. Le ver qui s’est installé dans votre ventre a induit la synthèse accrue d’un recapteur de l’hypocrétine-1."

“C’est grave docteur ?”

“Une parasomnie en sommeil paradoxal ? non, c’est sans importance mais, en revanche, rapport à ce que j’ai vu sur vos résultats d’analyse, vous allez mourir rapidement, rassurez-vous, ça sera fulgurant. C’est votre oncle de Paris, que j’ai connu par hasard qui m’a transmis ces données. ”.

“Nina Simone : blackbird”

 

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Une griffe mignonne sur mon pied qui dépasse de sous les draps. la chaleur de ce corps qui me serre, me contient. Une main brulante, celle qui est sous l’épaisse couche. Une main gelée, celle qui traine au-dehors.

Il fait grand jour, 13:58

Troisième réveil – éveil pour aujourd’hui.

je tends le pieds. ça bouge. tourne un bras, ça bouge. Alléluia !

je rentre ma main froide sous la couverture. Chaud.

“Patrice : soulstorm”